Schopenhauer, Antithéisme et raisonnement fallacieux


La caractéristique de l’antithéisme la plus remarquable est que ceux-ci souscrivent au plus strict littéralisme qu’ils tiennent pour l’orthodoxie de lecture. Le petit passage ci-dessous est exemplaire à cet égard.

Vous ne trouvez pas bizarre que tous les trucs absurdes de la bible soient devenus des métaphores ? C’est selon ce qui arrange au moment T.

Exemple: Moïse a séparé la mer rouge,il y a quelques siècles c’était un fait,puis la connaissance a progressé et les humains se sont bien rendus compte que c’était absurde. Donc ce n’est plus un fait mais une métaphore.

Ce qui est fait et ce qui est métaphore évolue avec le temps,la culture etc… le but étant
que la religion soit toujours aussi incontestable.

PS : y’a un hypocrite ici qui devrait appliquer un peu plus « aime ton prochain comme toi même  » et  » tu ne jugeras point « . Moi je m’en fous je ne suis pas censée obéir à ces règles.

Ce passage dit encore plus ; il affirme 3 croyances dont les deux premières rencontrent celle des groupes religieux fondamentalistes :

  • celle que les athées n’ont pas de morale parce qu’athée,
  • celle que le littéralisme est l’orthodoxie,
  • celle que l’ interprétation est récente, n’obéit à aucune règle que le bon plaisir et la téléologie

les athées n’ont pas de morale

Le cours de morale qui termine l’intervention est paradoxal.

  • il impose ses règles au combat1 : l’athée se réserve le droit ‘utiliser toutes les méthodes per fas et nefas2, car lui n’a pas de règles ; il avoue n’avoir aucune morale. D’ailleurs, il commence par l’indispensable insulte3 qui est une autre figure4 de style obligée du discours antithéiste
  • les règles, pour ce qu’il en reconnaît, ne doivent contraindre que son interlocuteur en sorte de donner avantage à l’athée.
  • Il enjoint précisément son interlocuteur de respecter les quarts de versets qui l’arrangent. A partles deux seuls versets cités, il omet que le nouveau testament préconise aussi la correction fraternelle en Matthieu 18 : 15-20 sans quoi ce serait trop facile : l’accusateur hypocrite gagnerait à tous les coups.

l’interprétation serait récente5

La croyance ici consiste à considérer que le littéralisme a toujours été la norme, jusqu’à ce que les progrès de la science ne contraignent les vilains crédules à « interpréter », voire à faire du mal au mouches. Bref, le recours à différents niveaux de lecture serait une solution de repli récente

Inutile dans ce genre de situation d’expliquer patiemment que l’antiquité grouillait de personnes d’une grande finesse d’esprit, qu’on savait déjà distinguer le genre d’un récit et sa fonction, et que le littéralisme est chose relativement récente (quoique le sens littéral faisait déjà partie des différents degrés de lecture envisagés, mais pas de manière exclusive).

C’est comme expliquer à certains que se teindre la barbe au henné ne relève pas d’une obligation, ou à d’autre que Jérusalem est tombée plutôt vers -587 que -607

le diable est dans les détails

Quelques affirmations de notre auteur athée peuvent être classées parmi les topoi athées les plus incultes.

  • « tous les trucs absurdes de la bible soient devenus des métaphores » Notre athée ne connait que cette figure de style et ignore que la Bible contient aussi des genres littéraires divers et variés ;
  • « C’est selon ce qui arrange au moment T » Belle application du principe herméneutique athée « tout ce que l’athée ignore n’existe pas« . Le débatteur ignore l’existence de règles d’interprétations depuis … l’Antiquité et donc, elles n’existent pas.
  • « Exemple: Moïse a séparé la mer rouge » Non. Cet item, c’est « la Science » (Oops !) qui cherche un fait à l’origine de ce récit. Le plus drôle est qu’elle le trouve !
  • « ce qui est métaphore évolue avec le temps,la culture  » Certainement pas ! La métaphore dépend directement de la langue et de la littérature source. Elle n’évolue donc pas. Les anglais disent toujours « It rains cats and dogs » là où les français disent « il pleut des hallebardes« . En outre, le lecteur cultivé, contrairement à notre athée, distingue les genres littéraires6 outre les figures du discours.
  • « le but étant que la religion soit toujours aussi incontestable » : l’explication téléologique (par le but) n’a jamais rien prouvé et pour le moment, elle cumule la pétition de principe7 et le procès d’intention8 Surtout, notre débatteur change de sujet9 passant des formes du texte à « la religion » et on se demande de laquelle il parle ? La sienne, sans doute ?

Non seulement l’antithéiste ne sait pas grand chose du fait religieux mais en outre, il utilise des procédés de raisonnement fallacieux pour appuyer son prosélytisme.

notes

1 Cf. Arthur Schopenhauer,
L’Art d’avoir toujours raison, Avant-propos : logique et dialectique : « La dialectique de son côté traite des rapports entre deux êtres rationnels dont les pensées s’accordent, mais qui dès qu’elles cessent de s’accorder comme deux horloges marquant la même heure, créent une controverse, c.-à-d. un combat intellectuel »

2 Cf. Arthur Schopenhauer, L’Art d’avoir toujours raison, La dialectique éristique « La dialectique éristique est l’art de la controverse, celle que l’on utilise pour avoir raison, c’est-à-dire per fas et nefas. On peut en toute objectivité avoir raison, et pourtant aux yeux des spectateurs, et parfois pour soi-même, avoir tort. En effet, si un adversaire réfute une preuve, et par là donne l’impression de réfuter une assertion, il peut pourtant exister d’autres preuves. Les rôles ont donc été inversés : l’adversaire a raison alors qu’il a objectivement tort. Ainsi, la véracité objective d’une phrase et sa validité pour le débatteur et l’auditeur sont deux choses différentes (c’est sur ce dernier que repose la dialectique)« 

3 Cf. Arthur Schopenhauer, L’Art d’avoir toujours raison, Ultime stratagème : Soyez personnel, insultant, malpoli « Lorsque l’on se rend compte que l’adversaire nous est supérieur et nous ôte toute raison, il faut alors devenir personnel, insultant, malpoli. Cela consiste à passer du sujet de la dispute (que l’on a perdue), au débateur lui-même en attaquant sa personne« 

4 Le lien mène vers un site de « français facile » qui donne liste de figures de styles et es exercice pour que cet athée puisse s’entrainer à distinguer et reconnaître les diverses figures de style.

5 merci à Michel pour cette section

6 un petit cours en Sorbonne qui explique ça

7 Cf. Arthur Schopenhauer, L’Art d’avoir toujours raison, Stratagème VI « On fait une petitio principii en postulant ce qui n’a pas été prouvé « 

8 et donc un raisonnement fallacieux !

9 Cf. Arthur Schopenhauer,L’Art d’avoir toujours raison, Stratagème XXIX Faire diversion « Lorsque l’on se rend compte que l’on va être battu, on peut faire une diversion,c.-à-d. commencer à parler de quelque chose de complètement différent, comme si ça avait un rapport avec le débat et consistait un argument contre votre adversaire« 

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